L'exposition des six Africains
Par Jeffrey Green
Harrison est resté célèbre en tant que le chasseur de gros gibier qui a ramené six Africans du Congo à Brandesburton. Il a gardé les six Africans en Grande-Bretagne pendant plus de deux ans, pendant lesquels ils ont joué le rôle d'amuseurs sur scène, ainsi de visiteurs peu ordinaires dans le village.
Ce que nous appellerions aujourd'hui des “zoos humains” n'étaient pas rares en Grande-Bretagne à l'époque de leur visite. Les six sont arrivés à Londres le 1er juin 1905 sur l'Oreste d'Egypte et ils ont fait leur début au théâtre l'Hippodrome, dans le centre de Londres presque immédiatement (le samedi 3 juin). L'hebdomadaire Londonien, 'The Era' avait écrit une critique à leur propos le 10 juin 1905:
“Le rideau se leva sur une scène représentant une forêt tropicale, au milieu de laquelle se trouvait une ouverture contenant quatre wigwams de petites dimensons. Devant ces wigwams se trouvait ces 'petits personnes' qui allaient devenir des objets de curiosité pour les londoniens en quête d'amusement. Trois de ces hommes portaient des lances miniatures, ou d'arcs et de flèches, tandis que le quatrième tenait un tam-tam. Les deux femmes du groupe étaient assises et le groupe entier avaient le regard fixé sur le public, celui-ci ayant été informé que la scène s'agissait d'une représentation plus ou moins exacte des maisons des pygmées dans la forêt d'Ituri en Afrique centrale. Le chef et deux de ses compagnons masculins étaient alors persuadés par moyen des signes, de s'avancer dans l'arène, et de la même manière, furent-ils invités à exécuter leur danse indigène. Cette danse, lorsqu'elle est entièrement exécutée, se fait en trois parties. Cependant, pour une certaine durée, les hommes ne répondirent pas; peut-être furent-ils timides en présence d'un public nombreux; mais après une longue bouffée sur un tuyau de canne, ils semblèrent prendre confiance, et le chef commença un chant bas, semblable à un chant funèbre, ce qui fut accompagné par un mouvement de danse ainsi par le battement du tam-tam. Lorsque les artistes se sont vraiment mises à leur danse et à leur musique, le public ont applaudi, mais l'effet des applaudissements fut contraire à celui escompté, car les pygmées cessèrent aussitôt de danser et se retirent à l'arrière.”
Le journal 'The Times' nota dans sa critique que:
“On a rarement vu une performance aussi étrange dans un lieu de spectacle. En vérité il ne se passe pas de spectacle du tout, ou plutôt, on ne sait jamais s'il y aura un spectacle oui ou non, et dans le cas où le spectacle se produit, on ne saura pas de quoi il consistera. Les Africains, s'ils ne veulent rien faire, ne font rien. 'Ceci est très intéressant et constitue un changement piquant au programme stéréotypé. Les pygmées feront-ils quelque chose oui ou non, et s'ils font quelque chose, de quoi s'agira-t-il? Hier soir ils n'ont pas fait grand-chose et, même quand ils ont commencé à se mettre en valuer, ils se sont arrêtés brusquement pour la plus étrange des raisons : une personne stupide s'est mise à les applaudir....Des artistes qui s'arrêtent au premier son d'applaudissement sont une vraie nouveauté et cela vaut la peine de les voir.”
La critique du journal 'Graphic' indique d'autres exemples de voyeurisme; le 10 juin, il rapporte que 'l'exposition de ces 'nains primitifs' assis à la porte de leurs tentes en costume indigène est extrêmement intéressant'. Il manquait aux critiques le vocabulaire nécessaire pour pourvoir décrire ces scènes avec précision. Il s'agissait en faite de petites cabanes et non pas de tentes, mais en utilisant le mot 'kraals', un terme associé au peuple zoulou d'Afrique du Sud, et le mot 'wigwam' – utilisé pour décrire les tentes en peau de buffle des Amérindiens ou des Indiens rouges d'Amérique – ils essaiyaient de transmettre une sensation d'exotisme.
En juin 1905, on leur a ammené aux Chambres de Parlement où ils furent les invités des members de Parlement et les pairs qui avaient des liens avec le Yorkshire. Cette occasion fut photographié par le photographe politicien Sir (John) Benjamin Stone avec une liste des personnes présentes. .
Il y a eu des dépliants publicitaires détaillant certains aspects des six, et la presse se sont appuyés sur ces documents pour informer leurs critiques prolongées. Vers la fin de 1905 les critiques deviennent moins positifs et quand les six eurent fini leur performances dans les grandes villes britanniques à la fin de l'année 1905, ils commencèrent à apparaître que dans des petites salles. Lorsqu'ils n'avaient pas d'engagements, ils vivaient au Hall de Brandesburton dans le Yorkshire. A la fin de juillet, quand la saison au Hippodrome fut fini, les Africans sont paris en train pour Beverley dans le Yorkshire, et par autobus privé à Brandesburton Hall.
Ils ont rendu visite au Parc de Londesborough. Les gens du Yorkshire étaient très impressionnés par les talents de chasse de leurs visiteurs. Des lapins avaient été lâchés des sacs, et leurs flèches trouvaient leur cible. "Un pygmée a tué deux lapins courants, avec son arc et ses flèches". Leurs compétences étaient très admirés dans une communauté agricole où la tarte au lapin et le ragoût de lapin étaient très appréciés, et les animaux empaillés et les souvenirs de leurs compétences sont restés dans le village de Londesborough jusque dans les années 1970.
Les six, assistés par l'interprète William Hoffman et sa femme, sont partis en tournée en octobre-décembre 1905. Ils furent à Driffield le 16 octobre, à York le 17 octobre, à Lincoln au Central Hall le 18 octobre, puis dans l'important circuit des théâtres Moss-Stoll, en commençant par Manchester à l'Hippodrome, Oxford Street à partir du 23 octobre. Puis ils furent à l'Empire, Lime Street Liverpool début novembre, et en Ecosse : Empire, Edimbourg, puis l'Hippodrome, Glasgow à partir du 13 novembre. Au Winter Hall, Leamington Spa, le 23 novembre, Hoffman y était le responsable. Ils étaient à Bath les 24 et 25 novembre et à peu près à la même époque, ils ont visité Oxford. Ils sont ensuite retournés sur le circuit Moss-Stoll : Empire Palace à Birmingham à partir du 27 novembre, Shepherds Bush Empire (ouest de Londres) à partir du 4 décembre, la troupe au paravant ayant été réduite à cinq, comptait maintenant quatre et ils ont terminé leur tournée à l'Empire, Bradford dès le 11 décembre.
Des photographies commerciales ont été publiées par des éditeurs réputés (curieusement, aucun d'entre eux ne mentionnait leur taille) et c'est grâce aux cartes postales survivantes que l'on a pu retrouver un aperçu de leurs activités.
Les Pygmées à Exeter
“Un grand spectacle hier aux 'Royal Public Rooms' à Exeter, fut le début de la visite des Pygmées de la forêt d'Ituri dans l'État libre du Congo. Ces 'petites gens' si intéressants ont fait deux présentations dans l'après-midi, lorsque de grandes audiences étaient réunies.
Nombreux sont ceux qui se souviendront des critiques suscitées par l'idée de faire venir quelques Pygmées dans notre pays. Cependant, les autorisations nécessaires pour leur transport ont été obtenues lorsque le Colonel J.J. Harrison avait donné sa parole que ceux qui viendront seraient des volontaires, qu'ils seraient bien traités et qu' ils seraient libres de retourner dans leur pays d'origine. La faite que les visages de cette petite équipe de personnes, 'à la peau sombre', rayonnaient le bonheur et la satisfaction et non pas la peur, fut preuve que cette confiance n'a pas été mal placée.
Les Pygmées, quand ils sont arrivés, se sont assis calmement sur des chaises placées pour eux sur l'estrade et, à l'exception de quelques rires gutturaux et quelques murmures dans leur propre langue, ils sont restés complètement détendus pendant que M. Hoffman s'adressait brièvement au public.”
Le centre d'exposition du sud de Londres, le Crystal Palace, les a accueillis le lundi de Pâques 1906. Ils sont allés vers l'ouest pour se produire aux Public Rooms d'Exeter les 7 et 8 mai, puis vers l'est au Folkestone Town Hall le 11 et le 12 mai. Début mai, ils ont passé trois jours au Portland Hall, à Southsea et quelques jours à Brighton. Ils étaient au Victoria Rooms de Bristol du 3 au 5 mai 1906 et au Great Hall, Tunbridge Wells le 10 mai.
Ils sont allés à Berlin, en Allemagne, et sont revenus à Brandesburton mi-juillet : pour apparaître à Grimsby le 7-9 août après des performances de nuit à Withernsea et Hornsea. Grimsby le 31 juillet-2 août puis Bridlington et Scarborough, Whitby les 13-14 août puis Lowestoft en août, à Hastings et St Leonards mi-septembre, et au Pays de Galles pour apparaître à Barmouth les 26-27 septembre et à Aberystwth les 28 et 29 septembre. Ils ont été à Eastbourne début octobre, et les 'Victoria Assembly Rooms' de Cambridge les ont programmés pour se produire deux fois par jour les 18, 19 et 20 octobre. Luton le 24-25 octobre, et puis Londres – au Centre D'Exhibitions d'Olympia du 24 décembre jusqu'en janvier 1907.
Tour Venues 1905 |
Tour Venues 1906 |
Tour Venues 1907 |
York |
Crystal Palace Park |
London |
Driffield |
Exeter |
Westcliff on Sea |
Lincoln |
Folkestone |
Bath |
Liverpool |
Southsea |
Bristol |
Manchester |
Brighton |
London |
Edinburgh |
Bristol |
Hull |
Glasgow |
Royal Tunbridge Wells |
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Royal Leamington Spa |
Berlin |
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Bath |
Grimsby |
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Oxford |
Withernsea |
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Birmingham |
Hornsea |
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London |
Bridlington |
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Bradford |
Scarborough |
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Whitby |
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Lowestoft |
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Saint Leonards |
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Barmouth |
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Aberystwyth |
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Eastbourne |
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Cambridge |
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Luton |
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Olympia London |
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Un ensemble de quatre cartes postales, indiquant leur taille, a été publié à cette époque. Les grands théâtres du groupe Moss-Stoll ayant été remplacés par de petites salles publiques, ils ont tourné à Westcliff on Sea fin février 1907, puis à Bath, puis à Bristol fin mai.
Ils ont continué à participer à des expositions, notamment à l'exposition Balkan States de Londres, du juin au septembre. Ils retournèrent dans le Yorkshire et firent une brève apparition à Hull avant de partir sur le Hindoo pour Mombasa mi-novembre 1907.
Les six ont atteint les forêts tropicales au début de 1908. Malgré des croyances persistantes à Brandesburton que certains sont morts - y compris (faussement) l'identification d'un site à Cherry Burton - les Africains ont survécu. Harrison a pris des photos d'eux, dans leurs vêtements anglais, avec leurs familles, les derniers en contraste aux six portant peu de vêtements et n'ayant pas voyagé. Quatre-vingts ans plus tard, les personnes du Yorkshire qui avaient rencontrés les six se souvenaient toujours des noms et de plusieurs aspects positifs de leurs visiteurs africains.
Nous avons inclus ces extraits d'articles de journaux pour illustrer les attitudes, les perceptions et le langage utilisés à l'époque. Nous nous rendons compte que de nos jours, une certaine partie du contenu peut être considérée comme dépassée et offensante.
A propos de l'auteur
Jeffrey Green - est historien indépendant qui effectue depuis quarante ans des recherches sur les activités des Africains en Grande-Bretagne. Il a donné des conférences, participé à des émissions de télévision et de radio et a rencontré de nombreux personnes dans le Yorkshire qui avaient rencontré les Six. Ses publications comprennent des contributions à l''Oxford Dictionary of National Biography' : par exemple, un résumé de la vie de William Hoffman, ce dernier avait traversé l'Afrique avec Stanley et avait interprèté pour les pygmées du Congo. Son livre 'Black Americans in Victorian Britain' a été publié en 2018 par Pen & Sword, Barnsley.