Dès l'esclavage aux dettes illégales
Par Pascal Mirindi et Anaïs Carton
Alors que mon pays la Rdc dispose d’imposantes ressources minières (cobalt, cuivre, etc.), plus de 75% des Congolais·e·s vivent actuellement avec moins de 1,50 $US par jour. Largement dépendante des revenus qu’elle tire de ses matières premières, la RDC est toujours considérée par la Banque mondiale comme un pays à faible revenu. En effet, près de 15 ans après le lancement de l’initiative «pays pauvres très endettés » dont a bénéficié la RDC, sa dette extérieure publique a certes baissé, mais le pays reste dépendant de «l’aide» extérieure conditionnée à l’application de politiques d’ajustement structurel.
Ainsi, dans le contexte de la pandémie de Covid-19, la RDC était obligé de recourir aux mesures d’urgence du G20 et du Fonds monétaire international (FMI), dont l’impact etait extrêmement faible. Le président de la RDC, Félix Tshisekedi, a alors appelé à l’annulation de la dette congolaise, lors du débat général de l’assemblée générale des Nations Unies du 22 septembre 2020.
Si le pays est aujourd’hui dans une telle vulnérabilité, c’est qu’il supporte le poids de la colonisation et d’une dette illégitime (contractée par les autorités publiques afin de favoriser les intérêts d’une minorité privilégiée.) insupportable pour la population congolaise. Près de 40 ans après la crise de la dette du tiers monde survenue en 1982, la RDC n’est pas encore libérée des conditionnalités politiques et économiques imposées par les bailleurs de fonds llinternationaux, en particulier la Banque mondiale et le FMI.
De plus, à l’issue de cette table ronde, les autorités belges prirent part à une société́ de développement belgo-congolaise dans laquelle la RDC n’a pas eu son mot à dire sur les enjeux relatifs à la succession et la gestion du patrimoine économique issu de la colonisation, appelé le «portefeuille congolais ». Ce portefeuille devait revenir en toute logique à la nouvelle République, auquel cas cette dernière deviendrait l’un des principaux actionnaires de grandes entreprises qui, jusqu’alors, rapportaient des bénéfices aux pouvoirs publics coloniaux. L’enjeu de ce dossier était tellement important pour les autorités belges qu’elles décidèrent la dissolution de ces sociétés, avant de transférer ce portefeuille, vidé de ses derniers actifs, aux autorités congolaises. Un dernier enjeu qui se dégage de la table ronde économique est celui de la gestion de trois grandes sociétés à chartes : le Comité national du Kivu, la compagnie de chemin de fer et l’Union minière du Haut-Katanga, issue du «Comité spécial du Katanga ». Ces entreprises ayant reçu de l’«ex-Congo belge», qui en était l’actionnaire principal, des portions du territoire surlesquelles elles disposaient du droit d’accorder des concessions minières. Elles furent dissoutes par la Belgique peu avant l’indépendance, afin d’empêcher la prise de pouvoir automatique du Congo nouvellement indépendant. Ainsi, de grands trusts belges conservèrent la mainmise sur ces entreprises, entamant la souveraineté du nouvel État et ses futures recettes fiscales.
La dette coloniale contractée par la Belgique à l’égard de la Banque mondiale puis léguée
à la RDC en 1965 est une dette illégale (car le transfert de dette coloniale est interdit par plusieurs traités internationaux) et illégitime (car elle servait les intérêts de la puissance coloniale). Dès les premiers mois de l’indépendance, la RDC a continué à payer les intérêts de la dette, étant donné que la Belgique continuait de gérer le patrimoine congolais, en l’absence de convention à ce sujet. C’est en 1962 seulement que la Banque mondiale dressa un inventaire de ce patrimoine. En mars 1964, un protocole ouvrit des négociations pour le règlement des questions relatives à la dette publique et un autre fixa les statuts du « fonds belgo-congolais d’amortissement et de gestion de la dette». Ces deux protocoles furent signés en février 1965.
L’accord concernant la dette classe cette dernière en plusieurs catégories :
• Une partie est à charge de la Belgique (remboursement de la dette coloniale «garantie»
jadis par l’État belge et émise sur les marchés «extérieurs ») pour un montant de 11 milliards de
francs ;
• une autre est à charge du Congo (l’ancienne dette coloniale « intérieure», c’est-à-dire les
titres émis sur le marché congolais) pour un montant de 23 milliards de francs ; • une troisième partie de la dette dite «extérieure non garantie» par l’État belge, est remboursée par un organisme public spécialement créé à cet effet, le « Fonds belgo-congolais d’Amortissement et de Gestion» (Fobelco), pour un montant de 12 milliards de francs11. Le Congo se trouva donc lesté de dettes contractées à l’époque coloniale et ayant servi les intérêts de la métropole, alors que ces dettes, issues de la colonisation, sont nulles en droit international public. Le traité de Versailles de 1919 dispose en effet, dans son article 255, que la Pologne est exonérée de payer « la fraction de la dette dont la commission des Réparations attribuera l’origine aux mesures prises par les gouvernements allemand et prussien pour la colonisation allemande de la Pologne»
À propos de l'auteur
Pascal Mirindi - est un étudiant de 23 ans, qui milite au sein d'Extinction Rebellion, Université de Goma, depuis deux ans.
Anaïs Carton - travaille pour Centre de Documents et d'Animation Tiers Monde (CDATM)