La subsistance à base d'aliments chassés et cultivés.

Par Gifty Burrows

 

La chasse au filet des Mbuti, reproduite avec l'aimable autorisation du projet TL2, un projet de la Société Zoologique de Francfort œuvrant à la conservation du Parc National de la Lomami, RDC. Société Zoologique de Francfort

Les Bambuti se composent de quatre groupes ethniques différents : les Efe, les Aka, les Tswa et les Mbuti. Ces groupes ne sont pas confinés à une zone géographique exclusivement car ils se marient entre eux, mais ils conservent des connaissances spécifiques de leur langue d'origine, de leurs coutumes et de leurs savoir-faire.

Les Efe sont originaires du nord et de l'est de l'Ituri et sont en général des archers qui chassent les duikers (antilopes de forêt), les oiseaux et les singes à l'aide d'arcs et de flèches. Ils utilisent également des lances pour chasser des animaux plus gros comme le buffle, l'okapi, le cochon et les éléphants. Au nord-ouest de l'Ituri se trouvent les Aka, qui vivent normalement de l'agriculture de subsistance et du travail rémunéré. Plus au sud se trouve le peuple Sua (ou Tswa) qui chasse presque exclusivement au filet, attrapant principalement des céphalophes, mais aussi d'autres mammifères de taille petite à moyenne. Les Mbuti vivent dans les parties centrale et méridionale de l'Ituri et ils sont chasseurs au filet.

Bailey et Speth [1] donnent un aperçu des pratiques de chasse en groupe et en solitaire des Efe. En groupe, ils chassent à la lance pour les grands mammifères ou à l'arc et aux flèches à pointe de fer pour les céphalophes et autres mammifères de taille moyenne. Pour la chasse solitaire, un individu utiliserait des arcs et des flèches empoisonnées pour attraper les singes ou il tirerait des arcs et des flèches à pointe de fer depuis les arbres pour tendre une embuscade aux céphalophes.

 

Familles Mbuti devant leurs abris. Forêt d'Ituri 1905.

© Scarborough Museums and Galleries

La chasse aux animaux tels que les singes nécessite de nombreuses flèches qui peuvent souvent être perdues, et il y a toujours la possibilité que la quête ne soit pas récompensée, car même après un coup réussi, le chasseur doit savoir où la carcasse se repose; le singe peut parcourir 100 mètres de plus avant qu'un poison ne fasse effet. D'autres espèces aux habitudes alimentaires connues, comme le céphalophe, peuvent être prises en embuscade à la vue de leurs spores. Là encore, malgré l'aide des chiens dans cette activité, il se peut que la carcasse ne soit pas retrouvée par les chasseurs car l'animal peut continuer à courir sur plusieurs centaines de mètres dans la forêt dense.

 

Céphalophe ordinaire [3]

La chasse en groupe est stratégique et peut comprendre de 4 à 30 personnes qui tournent autour d'une zone pour débusquer la proie. Quand un animal est touché par une flèche, les chiens sont appelés à poursuivre l'animal blessé jusqu'à ce qu'il s'effondre. Les chasses en groupe sont préférées car elles assurent un retour pour chaque individu et c'est la méthode utilisée pour les huit espèces d'antilopes, le chevrotain d'eau et six espèces de céphalophes. D'autres animaux sont également chassés, notamment la genette, la mangouste, la musaraigne éléphant, le varan, le francolin et la pintade[2].

Les méthodes de chasse font partie intégrante de l'existence du peuple Bambuti car elles déterminent la façon dont ils se nourrissent et s'occupent, ainsi que la façon dont ils organisent leurs communautés. Les communautés qui chassent au filet ont tendance à vivre en plus larges groupes, et ici les femmes ainsi que les hommes participent à la chasse, les femmes étant les rabatteuses. En revanche, la chasse à l'arc et aux flèches est plutôt une activité masculine.

 

Familles Mbuti devant leurs abris. Forêt d'Ituri 1905.

© Scarborough Museums and Galleries

Les observateurs tentent d'éxpliquer pourquoi certaines communautés forestières choissisent de chasser au filet et d'autres à l'arc, et si l'une des méthodes est plus utile que l'autre. Il semble que les deux méthodes présentent des avantages, et ça se peut qu'au fil du temps, les communautés aient échangé leurs méthodes de chasse. On pense que outre la nourriture chassée, 60% des calories des Bambuti provient d'aliments agricoles, soient fourragés ou cultivés. Ceci peut être influencé par le lieu, les saisons, et l'engagement sociologique associé à la chasse.

Les Bambuti s'engagent dans des emplois variés. Certains travaillent pour l'argent tandis que d'autres chassent pour leur propre usage, échangeant les excédents avec les villageois contre des cultures vivrières ou des articles manufacturés tels que des tissus et des outils en fer. La viande chassée au filet a souvent une plus grande valeur commerciale, donc l'excédent peut être utilisé en échange d'autres denrées alimentaires. Le rendement plus élevé de la viande chassée au filet pourrait expliquer pourquoi les femmes sont impliquées dans cette activité tandis que où on chasse à l'arc, il est plus productif si elles s'engagent à travailler la terre en échange pour des aliments cultivés et d'autres produits. Même que les méthodes d'alimentation sont différentes entre communautés, on peut dire qu'il en résulte néanmoins une subsistance équilibrée et adéquate pour chaque communauté.

Les villageois, quant à eux, gagnent leur vie en cultivant des aliments pour consommer ou pour utiliser comme cultures de commerce, notamment des arachides, du riz et du café. Cette co-dépendance agricole entre les tribus le long des systèmes fluviaux est ancienne et présente des avantages mutuels. Elle a joué un rôle important dans la survie des chasseurs-cueilleurs, même si, à l'époque précoloniale, ces cultures étaient beaucoup plus modestes, les produits étant plutôt des ignames et des bananes[4].

Une étude menée par Hart et Hart en 1986 sur les Mbuti a observé que pendant 5 mois de l'année, il poussait moins de plantes dans la forêt. Cela signifiait que les aliments tels que les fruits et les graines de la forêt furent moins abondants, et en résultat l'animal à chasser avait une teneur en graisse plus faible, et aussi le miel n'était pas disponible. Cependant, la viande de gibier était disponible toute l'année et, et au fil du temps l'habitat naturel a cédé la place à l'agriculture, et les habitants de la forêt sont devenus de plus en plus dépendants des aliments cultivés riches en amidon tels que les ignames et les patates douces ainsi que les cassaves et les plantains. De plus en plus, avec la colonisation des années 1880, les forêts primaires ont été épuisées et des foirêts secondaires ont donné lieu à la recolte de la nourriture sur leurs sites abandonnés. La présence de cultivars communs est une indication des forêts secondaires, car on les trouve rarement à l'état sauvage.

Ce changement signifie que les plantes sauvages nutritives contenant des niveaux élevés d'huiles et d'amidon, qui étaient auparavant consommées pour éviter la faim, sont plus largement dispersées et difficiles à trouver et à cueillir. Récolter une quantité suffisante d'une seule chose devient de plus en plus difficile; il faut beaucoup de travail pour récuperer, traiter, préparer et rendre comestible la majorité des plantes sauvages cueillies par les Mbuti par rapport aux plantes cultivées abondantes. Par exemple les tubercules à racines profondes nécessitent beaucoup de trempage puis d'ébullition pour éliminer leurs toxines.

La saisonnalité est un élément important d'une année sur l'autre. Le miel et les larves d'abeilles sont des aliments de base préférés en période d'abondance et peuvent être complétés par la viande, le poisson et parfois des produits agricoles. Les fruits sont moins nourrissants car ils sont constitués de sucres simples, mais ceux-ci et le miel sont abondants au mois de juin. La forêt elle-même dépend du fait que la floraison des plantes coïncide avec le cycle du miel et la pollinisation par les insectes. Les graines doivent germer rapidement pour éviter la pourriture ou les attaques des charançons et des rongeurs.

Plus récemment, des événements d'origine humaine tels que les guerres, les déplacements et l'usage de la terre comme ressource pour les cultures commerciales, ont réduit la capacité des communautés nomades de chasseurs-cueilleurs à pratiquer les méthodes traditionnelles.


La culture et les traditions des Bambuti sont peu étudiées et nous entreprenons un voyage d'apprentissage mutuel. Les informations présentées ici proviennent de ressources secondaires et nous sommes ouverts à toute révision et à tout conseil lorsque quelque chose peut être prouvé incorrecte ou obsolète.


Référence

  1. Bailey Robert C. and Aunger Robert, ‘Net Hunters vs. Archers: Variation in Women's Subsistence Strategies in the Ituri Forest’ in Human Ecology , Vol. 17, No. 3 (Sep., 1989), pp. 273-297

  2. Hart Terese. B. and Hart John. A. ‘The Ecological Basis of Hunter-Gatherer Subsistence in African Rain Forests: The Mbuti of Eastern Zaire’ in Human Ecology , Vol. 14, No. 1 (Mar., 1986), pp. 29-55: Springer

  3. Image of common duiker - https://en.wikipedia.org/wiki/Common_duiker#/media/File:Common_Duiker1.jpg

  4. Bailey, R. C., & Speth, J. D. (1991). Conclusion. In The Behavioral Ecology of Efe Pygmy Men in the Ituri Forest, Zaire (pp. 111–120). University of Michigan Press.