Les Mbuti de la forêt d'Ituri
Par Emma Wild-Wood
Mbuti
Les Mbuti de la forêt d'Ituri font partie d'un certain nombre de peuples chasseurs-cueilleurs de la forêt tropicale (Ka, Bongo, Twa, Efe, Kola, Sua, etc.) qui sont souvent appelés "pygmées". Ce nom provient de leur petite taille et de leurs traits fins. Ils vivent en groupes familiaux élargis de vingt à trente personnes. Ils sont semi-nomades, se déplaçant dans la forêt à la recherche de nourriture. Les Mbuti utilisent des filets de chasse et sont des archers très doués. Ils fabriquent des arcs et des flèches de qualité, auxquels ils ajoutent souvent du poison pour abattre leur proie. Leurs abris temporaires sont des constructions délicates qui peuvent être réalisées rapidement à partir des vignes, des branches et des feuilles des bananiers qui les entourent. Les soirs il se peut qu'ils racontent des histoires et des légendes et ils dansent autour du feu. Leur vie est entièrement liée à la forêt. Ils doivent la connaître et la respecter pour survivre. Les Mbuti entretiennent des relations commerciales proches avec les autres peuples qui cultivent dans, ou à la lisière, de la forêt. Les Mbuti échangent la viande qu'ils ont abattue contre du sel et des produits agricoles. Les agriculteurs et les chasseurs-cueilleurs de la forêt d'Ituri font partie d'un système social plus large.
Au début du 20e siècle, lorsque le colonel Harrison a fait la tournée de six Mbuti en Grande-Bretagne, il semble qu'il y avait une méfiance considérable entre les Mbuti et les autres peuples de la forêt. La détérioration des relations était probablement due aux conditions sociales instables résultant de décennies de commerce international d'esclaves et d'imposition coloniale. Des relations qui avaient été auparavant coopératives et harmonieuses avaient commencé à se briser. Les documents laissés par les Africains travaillant dans la forêt d'Ituri suggèrent que certains peuples voisins considéraient les Mbuti comme inférieurs ou effrayants parce que leur mode de vie était différent du leur. Les agriculteurs disaient qu'ils avaient autorité sur les Mbuti et pouvaient exiger qu'ils travaillassent pour eux. En revanche, les Mbuti déclaraient qu'ils contrôlaient eux-mêmes les relations avec les agriculteurs voisins. Pour négocier, ils avaient l'habitude d'utiliser des absences soudaines et des attentes de dons de sel.
À la fin du XXe siècle, les Mbuti ont acquis un certain respect national en République démocratique du Congo. Après l'indépendance du pays de la domination coloniale (1960), les chasseurs-cueilleurs sont devenus les "premiers citoyens" du pays. Des tentatives ont été faites pour comprendre et conserver leur mode de vie nomade, grâce à des ouvrages comme "The Forest Peoples" (Colin Turnbull, 1961). Vivre comme chasseur-cueilleur est difficile, surtout lorsque les sources de nourriture sont limitées. Au XXIe siècle, il a été rendu encore plus difficile par l'exploitation forestière et minière, et même par des formes de conservationnisme qui restreignent leurs mouvements. L'insécurité politique qui règne dans l'est du Congo depuis 1994 a également menacé leur mode de vie. Cependant, alors que la Terre est confrontée à une crise climatique causée par l'activité humaine, des peuples comme les Mbuti sont en mesure de montrer aux autres humains comment il est possible de vivre simplement avec le monde naturel.
Les Perceptions Européennes et Africaines des Mbuti.
Le fait que Harrison ait fait venir six Mbuti en Grande-Bretagne en 1904 découle de la curiosité et de la domination des puissances coloniales. Harrison, comme de nombreux Européens qui ont voyagé dans les pays colonisés, a collectionné des œuvres d'art, des artefacts et il a chassé des animaux. En exposant des Mbuti, Harrison répondait également à la place particulière que les "pygmées" occupaient depuis des siècles dans l'imaginaition des occidentaux. Les anciens Grecs et Romains décrivaient des "pygmées" mythiques. Leurs écrits ont influencé les écrits européens et arabes ultérieurs, où le nom "pygmée" pourrait décrire des monstres, des singes ou des humains étranges. Lorsque les explorateurs européens en Afrique centrale au 19ème siècle voyaient des chasseurs-cueilleurs de petite taille, ils avaient déjà un ensemble d'attentes imprécises, fournies par les légendes. H.M. Stanley, l'explorateur qui cherchait des territoires le long du bassin du Congo pour le roi de la Belgique, a rencontré des chasseurs-cueilleurs dans la forêt d'Ituri en 1874. Les livres populaires qu'il a publiés sur ses exploits ont attiré l'attention sur les chasseurs-cueilleurs. Au même moment, les premiers anthropologues se demandaient s'il fallait classer les Mbuti comme des sous-hommes ou des humains primitifs. La pensée coloniale était influencée par un ensemble d'idées souvent appelé "Darwinisme Social", qui considérait que les humains pouvaient être placés dans une hiérarchie d'évolution, dans laquelle les populations européennes étaient les plus développées et, par conséquent, les plus aptes à dominer les autres. C'était ce genre d'attitude qui a permis au Colonel Harrison d'apporter en Grande-Bretagne ce qu'il considérait comme des curiosités exotiques.
Harrison a toutefois été contesté par un autre groupe d'Européens qui considéraient qu'ils devaient protéger les Mbuti. La Church Missionary Society (CMS), une agence liée à l'Église d'Angleterre, a tenté d'intervenir dans le transport des Mbuti vers la Grande-Bretagne, car la CMS estimait que le fait d'exhiber des êtres humains de cette manière était répréhensible. Les missionnaires avaient souvent une attitude paternaliste envers les chasseurs-cueilleurs. Ils pensaient que les Mbuti étaient des êtres humains à part entière, mais naïfs ou enfantins. Ils voulaient les protéger et les initier au christianisme.
Il existe des preuves sur la perception des Bambuti par d'autres peuples peuples africains. Un homme originaire d'Ouganda dresse un portrait sympathique des Mbuti à une époque où il existe peu de témoignages directs de leurs propres opinions. Apolo Kivebulaya aimait rendre visite à de différents groupes de Mbuti et écouter leurs légendes, dont certaines ont été mises par écrit. Kivebulaya leur rendait visite pour une raison précise. Pour lui, le remède pour arrêter la suspicion qui s'était installée entre les différents groupes de personnes, se trouvait dans le christianisme. Il enseignait que si on devenait chrétien, on appartenait à un groupe plus large de personnes, et qu'on pouvait laisser de côté les différences ethniques qui avaient provoqué la méfiance dans la forêt d'Ituri. Kivebulaya s'était lui-même converti au christianisme lorsque les peuples Ganda sont entrés en contact avec les missionnaires CMS et les missionnaires catholiques à partir de 1878. Il est devenu prêtre anglican et il se considérait également comme missionnaire. Dans ses carnets et ses entretiens, Kivebulaya a présenté une vision positive de la vie et de la culture des Mbuti. Kivebulaya a séjourné dans des maisons Mbuti. Il a enregistré leurs croyances, leurs histoires d'origine et leurs relations. Il les a comparés favorablement à certains aspects de sa propre culture Ganda. Cela a étonné certains Ougandais qui pensaient que leur vie agricole était supérieure à celle des chasseurs-cueilleurs.
A propos de l'auteur
Dr Emma Wild-Wood - est élevée dans le Yorkshire. Elle enseigne Le Christianisme Africain et Les Religions Indigènes Africaines à l'Université d'Edimbourg. Auparavant, elle a vécu et travaillé en RD Congo, en Ouganda et à Cambridge. Son deuxième livre s'intitule 'The Mission of Apolo Kivebulaya : Religious Encounter and Social Change in the Great Lakes (1865-1935)'. 2020.
Référence
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Wild-Wood, E. (2020) The Mission of Apolo Kivebulaya: Religious Encounter and Social Change in the Great Lakes (1865-1935). James Currey.